Une citation pour les curieux :

« Garnier se demandait si ce n’était pas là le comble de l’arrogance : se comporter comme un saint dans un monde de loups. Parce qu’il se comportait comme un saint, ce con. Sa sainteté était une gifle pour tous les autres. » (Vivonne, La Table Ronde, 2021)

Cher Gilles... #1 : Le Magicien quantique (Derek Künsken, Albin Michel Imaginaire, 2020)

  

Paru le 26 février 2020 chez Albin Michel Imaginaire
Traduit de l'anglais (Canada) par Gilles Goullet
22, 90 € - 504 pages
EAN papier : 9782226439079

Gilles Dumay a dit :

"Niveau idées de SF, on est plutôt chez Peter Watts (le pessimisme en moins), Hannu Rajaniemi et Greg Egan. Mais Künsken choisit une forme littéraire très ludique pour exploiter ses idées vertigineuses : celle du roman d’aventures pyrotechnique. L’ensemble est enlevé, plein d’humour et de dialogues d’une grossièreté à faire rougir les médaillés de la légion étrangère."

Cher Gilles...

     Je t'admire en secret. J'ai encore peu pioché dans ta formidable collection (ça viendra, promis...) mais j'observe attentivement ce que tu y fais, ce que tu y développes depuis 2018. Que de chemin parcouru en si peu de temps : tu en as fait une des collections majeures dans les littératures de l'imaginaire, ni plus ni moins.

    Dans mon esprit, ta collection occupe une place un peu à part, alors j'ai eu envie de lui rendre hommage, d'en parler autrement. J'ai envie de parler de ces livres avec toi, qui les as choisis. Nous ne nous sommes jamais vraiment parlé qu'une seule fois, toi et moi, et je t'ai vouvoyé, bien sûr. J'espère que tu ne me tiendras pas rigueur du tutoiement que je m'autorise ici : après tout, Gilles, puisque toi et ta collection occupez une place considérable dans mon esprit aussi bien que sur mes étagères, tu me concèderas bien cette petite relation épistolaire (unilatérale et numérique), n'est-ce pas ?

      Venons-en à ce qui m'occupe ici. L'année dernière, j'ai lu Le Magicien quantique pour pouvoir parler de sa suite dans la revue Bifrost. J'aime beaucoup le résumé que tu en as fait à Nicolas (quand on est libraire, on rêve de pouvoir le faire aussi bien et, vois-tu, je n'ai pas un très bon esprit de synthèse...). Tu le mentionnes toi-même, ce qui ne peut que frapper ceux qui ont cette référence, c'est que la structure du roman rappelle celle du film Ocean's Eleven, avec cette première partie dans laquelle Belisarius Arjona recrute les membres de son équipe après avoir accepté le job qu'on veut lui confier. Et je te rejoins également sur le côté ludique de ce récit, sans lequel, en tant que lecteur, on aurait vite pu se retrouver submergé par les notions de physique quantique auxquelles Derek Künsken fait appel. Le divertissement fait toujours tout mieux passer, et ce petit air de casse du siècle rend l'aventure très palpitante et finalement assez facile à suivre.

      Je me demande quel est ton personnage préféré, Gilles ? Moi, c'est Saint Matthieu, cette IA qui croit en dieu. J'ai trouvé l'auteur moins adroit pour écrire le relationnel de ses personnages que pour décrire la teneur scientifique de son roman, mais certains d'entre eux sont le vecteur de belles réflexions et de savoureux dialogues. Comment ne pas être touché par la portée ontologique de la façon dont Saint Matthieu se conçoit et définit son rôle dans son rapport au monde et à l'humanité ? Comment ne pas être ému par la solitude extrême de Belisarius ? J'en frémis, alors que je te l'écris...

      Il me semble en effet que l'auteur a parfaitement relevé le défi qui consistait à distiller des notions assez pointues et à en tirer des conséquences concrètes, tout en restant divertissant et accessible. À mon sens, Greg Egan n'opère pas un tel mélange : il y a, dans ce qu'il écrit, une subtilité qui ne relève pas du divertissement ; c'est pourquoi il me semble que cette subtilité est bien mieux mise en valeur dans ses textes courts que dans ses romans. Conviendrais-tu avec moi qu'on peut accorder cela à Derek Künsken ? Qu'il parvient à captiver son lecteur pour un long moment, par le divertissement, l'humour, les rebondissement, et, c'est vrai, ce récit d'aventure qui en met plein la vue ? Il manque aux romans de Egan ce côté "cinématographique" qui œuvre pour une hard science-fiction plus digeste... Je n'ai pas encore lu Peter Watts ni Hannu Rajaniemi (ça ne saurait tarder) et regrette de ne pas pouvoir discuter plus avant avec toi de cette mise en perspective, mais j'y penserai en les découvrant.

       J'ai passé un très bon moment, en tout cas. J'ai craint, en lisant la suite, que l'auteur ne s'épuise dans ses concepts, mais il n'en était rien. Le Jardin quantique comporte son propre lot de développements intéressants et touchants, et il renonce pour le mieux à suivre trop de personnages en même temps. Merci de m'avoir permis de découvrir cet auteur et ses deux romans, Gilles ; je ne manquerai pas d'en conseiller la lecture.
 
       À bientôt ! 💛

        Avec toute mon affection bloguesque, Vanille.

Commentaires

  1. Tes billets sont rares mais quand ils sont publiés, ils sont d'autant plus délicieux. J'espère que celui remettra cette série dans la lumière et nous permettra d'avoir les autres aventures de Belisarius.

    Et à mon humble avis Le Jardin Quantique est beaucoup plus réussi, moins fouillis que Le Magicien Quantique.

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