Une citation pour les curieux :

« Garnier se demandait si ce n’était pas là le comble de l’arrogance : se comporter comme un saint dans un monde de loups. Parce qu’il se comportait comme un saint, ce con. Sa sainteté était une gifle pour tous les autres. » (Vivonne, La Table Ronde, 2021)

La Cité des nuages et des oiseaux , d'Anthony Doerr, chez Albin Michel (2022)

Grand format - 704 pages - 24,90 euros
Paru le 14 septembre 2022
EAN : 9782226461537

La quatrième de couverture 

Avez-vous jamais lu un livre capable de vous transporter dans d’autres mondes et à d’autres époques, si fascinant que la seule chose qui compte est de continuer à en tourner les pages ? 

Le roman d’Anthony Doerr nous entraîne de la Constantinople du XVe siècle jusqu’à un futur lointain où l’humanité joue sa survie à bord d’un étrange vaisseau spatial en passant par l’Amérique des années 1950 à nos jours. Tous ses personnages ont vu leur destin bouleversé par La Cité des nuages et des oiseaux, un mystérieux texte de la Grèce antique qui célèbre le pouvoir de de l’écrit et de l’imaginaire.

Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?

 Ma chronique 💛

Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?

Si seule la littérature pouvait nous sauver, alors elle serait le personnage principal du récit qui voudrait relater ce fait héroïque, prenant la forme d'une histoire ayant traversé le temps et les épreuves, rencontrant sur son passage, de loin en loin, les destins dont elle aurait fait dériver la trajectoire. Comment entrent-elles dans nos vies ? Qu'évoquent-elles en nous ? Que nous apporteront-elles ? Le mystérieux pouvoir des histoires réside bel et bien dans l'empreinte singulière, propre à chacun, qu'elles laissent en nous. Pour vous comme pour moi, il en irait sans aucun doute de même avec La Cité des nuages et des oiseaux. Lequel ? Les deux : le récit de Doerr et celui que l'auteur prête à Diogène.
 
Un rien grotesque aux yeux d'Anna qui, peu avant le siège de Constantinople, cherche à se faire un peu d'argent pour soigner sa sœur malade et découvre que la lecture des aventures d'Aethon l'apaise ; un défi de traduction pour Zeno, qui trouve dans cet antique récit un nouvel élan de vie à partager avec un groupe d'enfants qui fréquentent avec lui la bibliothèque municipale ; pour Seymour, une forme de rédemption lorsqu'il complète un travail laissé inachevé par sa faute ; pour Konstance, un phare dans la nuit de sa solitude qui lui permettra de se frayer un chemin vers la liberté. 
 
Les parcours de vie dans lesquels s'inscrit l'aventure d'Aethon sont aussi étrangers les uns des autres que le sont les façons dont elle les transforme. Ils montrent cependant que toute histoire ne jouera son rôle que si l'on veut bien le lui accorder : si Anna n'avait pas tout fait pour préserver le manuscrit, si Zeno n'avait pas autant travaillé à sa traduction, si Seymour n'avait pas veillé à faire achever cette dernière, si Konstance n'en avait pas minutieusement retracé la piste dans la bibliothèque virtuelle... 

Mais ne nous y trompons pas : Anthony Doerr rend un vibrant et merveilleux hommage aux livres, autrement dit à l'histoire fixée par des mots qui n'évolueront pas, si ce n'est au gré des traductions, des interprétations et des affres du temps. C'est déjà beaucoup. L'histoire devient alors une sorte de génie facétieux que l'on aurait enfermé dans une bouteille et que l'on examinerait avec curiosité à travers le verre...

"Dans ma cité à moi..."

Pour accorder son rôle à un récit — ici notre histoire —, il suffit donc d'ouvrir un livre. Juste un. À partir de là, tout est possible et la magie continue d'opérer. Il devient cet ailleurs dans lequel il nous est permis de nous projeter, d'imaginer, de rêver, d'inventer, et de ramener les trésors qu'il renferme de notre côté de la bouteille. Un ailleurs où se réfugier, où se ressourcer, où subsister, où découvrir, où apprendre. Un récit a toujours quelque chose à nous apporter sans qu'on en mesure bien l'ampleur, pourquoi pas au-delà du cadre d'une seule vie humaine, comme Anthony Doerr se plaît à nous le raconter.
 
L'auteur sublime ce pouvoir tranquille, cette puissance passive que les récits renferment en offrant au lecteur autant de trésors à s'approprier qu'il ouvrira de livres. Et quel meilleur endroit, pour s'en rendre compte, qu'une bibliothèque ? Dans ma cité à moi, il y aurait...
 
Anna, Zeno, Seymour et Konstance n'illustrent pas seulement, à leur façon, le fait qu'un même récit peut jouer son rôle au cœur des heures les plus sombres et les plus désespérées. Ils montrent également que la plus belle manière de restituer ce que l'on a reçu du récit est de le transmettre, de le partager, d'offrir la possibilité et les promesses de sa découverte à d'autres.

L'histoire s'écrit pour ne pas se perdre dans les aléas de l'oralité, se lit pour s'approprier ce qu'elle a à nous offrir, se transmet et se partage au-delà des siècles, des langues et des cultures. Dans quel ordre classer les feuillets relatant l'histoire d'Aethon ? Les discussions autour de cette question ne sont-elles pas plus délicieuses que le fait de connaître la réponse ? 
 
La Cité des nuages et des oiseaux est à la fois une très belle invitation à la lecture, une ode extraordinaire aux livres et un hommage extrêmement touchant à toutes celles et ceux qui, comme moi, ont fait des livres et de la lecture leur métier.
 
"Tourner la page, se frayer un chemin sur les lignes : le barde se lance et fait apparaître dans votre tête un univers débordant de bruits et de couleurs."

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