Une citation pour les curieux :

« Garnier se demandait si ce n’était pas là le comble de l’arrogance : se comporter comme un saint dans un monde de loups. Parce qu’il se comportait comme un saint, ce con. Sa sainteté était une gifle pour tous les autres. » (Vivonne, La Table Ronde, 2021)

Les oiseaux du temps, d'Amal El-Mohtar et Max Gladstone, chez Mnémos (Fr : 2021 ; En : 2019)

 

Parution : 14 mai 2021
Langue originelle : anglais (États-Unis)
Traduction : Julien Bétan 
Nombre de pages : 192
ISBN : 978-2-35408-845-3

Quatrième de couverture 

 C’est ainsi que nous gagnons.
Bleu et Rouge, deux combattants ennemis d’une étrange guerre temporelle, s’engagent dans une correspondance interdite, à travers les époques et les champs de bataille. Ces lettres, ne pouvant être lues qu’une seule fois, deviennent peu à peu le refuge de leurs doutes et de leurs rêves. Un amour fragile et dangereux naîtra de leurs échanges. Il leur faudra le préserver envers et contre tout.
Les Oiseaux du temps fait partie de ces romans inoubliables qui nous ressourcent et nous rappellent avec douceur et justesse que l’humanité, l’altérité et l’amour sont les réponses universelles à nos besoins essentiels.

Ma chronique 💛

Le voici enfin, le court roman trois fois primé en 2020 par certaines des plus prestigieuses distinctions dans le milieu de l'imaginaire ! Une des sorties les plus attendues cette année en ce qui me concerne, et je tiens ici à remercier les éditions Mnémos pour avoir accepté de me faire parvenir ce petit bijou en avant première. 

J'ai envie de commencer par la forme et redire ici mon amour pour la conception graphique des maquettes du label Mü, que Kévin Deneufchatel fait briller entre toutes par l'élégance sobre et les couleurs franches de ses illustrations. Foulez au pied le vieil adage et, une fois n'est pas coutume, jugez le livre à sa couverture.
 
Après tout, Les Oiseaux du temps vient bien, lui, fouler au pied une de mes règles : si le format est court, le fond doit me percuter de plein fouet. Seulement voilà, le texte ne percute pas ; il berce son lecteur, l'effleure d'une caresse.
 

Ne nous y trompons pas : il n'est pas tant question de guerre temporelle que d'amour, et c'est à peu près tout. Rien d'original en cela, puisqu'on le sait bien, l'amour ne réinvente pas ses vieilles recettes. Mais la relation qui se noue entre Rouge et Bleu a beau être familière, elle touche par sa justesse et sa délicatesse : le respect mutuel, d'abord, duquel naît le jeu, puis la curiosité réciproque, et enfin l'attraction partagée. Parce que l'amour s'impose au centre de leurs vies, il ne pouvait constituer rien de moins que le cœur du récit.
 
Cristina et Owen, dans Grey's Anatomy

Il est dès lors inutile de vouloir tirer quoi que ce soit du contexte, celui d'une guerre temporelle au sein de laquelle elles s'affrontent en menant d'obscures mais décisives actions, à des moments clés de l'Histoire. Qu'importe au lecteur que Rouge et Bleu interviennent en amont ou en aval de la tresse du temps, en quelques minutes auprès de noms célèbres ou plusieurs années au côté d'illustres inconnus ? Les brins sont éphémères et les trames possibles innombrables : cette course effrénée à travers le temps ne vise en réalité qu'à sublimer la constance de l'amour qu'elles partagent, en contrepoint de la façon dont elles se battent et elles mènent leurs existences. De produire, en somme, une impression similaire à celle que l'on ressent face à une scène filmée en time lapse et dont un élément reste net, comme détaché du temps qui s'écoule...
 
 
Lucy, de Luc Besson.

Les Oiseaux du temps berce son lecteur d'une lettre à l'autre, d'un point de vue à l'autre. Les deux auteurs se sont logiquement partagé la tâche de faire vivre une relation épistolaire — un choix qui tranche agréablement avec ce qui se fait habituellement en science-fiction. Les réactions à la découverte de chaque message sont donc authentiques, même si la trame générale du récit était bien sûr déjà fixée. Le lecteur est ainsi invité à suivre les évènements au gré de ces échanges, suivant une structure identique du début à la fin. Un brin de contexte (sans mauvais jeu de mot...) vient toujours en premier, dans lequel l'une d'elle intervient et constate son échec en même temps qu'elle découvre le message laissé par l'autre ; puis vient la lettre, dont le lecteur découvre le contenu en même temps que la protagoniste déroutée. Et ainsi de suite. Elles se délectent tout à la fois de la façon dont elles se mettent en échec l'une l'autre, de la subtilité avec laquelle elles donnent forme à leurs messages, d'apprendre à se connaitre au travers de détails anodins comme de leurs différences. 

Si la volonté de préserver leur amour suffit à porter Rouge et Bleu jusqu'au terme de ce récit, alors devrait pouvoir refermer le livre un lecteur satisfait et repu de cette unique certitude.





 
 


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