Une citation pour les curieux :

« Garnier se demandait si ce n’était pas là le comble de l’arrogance : se comporter comme un saint dans un monde de loups. Parce qu’il se comportait comme un saint, ce con. Sa sainteté était une gifle pour tous les autres. » (Vivonne, La Table Ronde, 2021)

Fictions, de Jorge Luis Borges, chez Folio (Fr : 1951 ; Es : 1941)

 


 
Publication grand format : Gallimard, 1951
Publication poche (version lue) : Folio, 2018, réédition, 208 pages
Langue originale : espagnol (Argentine)
Traduction : Roger Caillois, Nestor Ibarra et Paul Verdevoye
ISBN poche : 9782072798153

Quatrième de couverture 

«Des nombreux problèmes qui exercèrent la téméraire perspicacité de Lönnrot, aucun ne fut aussi étrange - aussi rigoureusement étrange, dirons-nous - que la série périodique de meurtres qui culminèrent dans la propriété de Triste-Le-Roy, parmi l'interminable odeur des eucalyptus. Il est vrai qu'Eric Lönnrot ne réussit pas à empêcher le dernier crime, mais il est indiscutable qu'il l'avait prévu...»

Ma chronique 

* Cette chronique est estampillée #DéfiCortex *

Jorges Luis Borges est, paraît-il, un des dix auteurs modernes à lire absolument, affirme sans détour Claude Mauriac en bas de la quatrième de la version poche. Son style est sans aucun doute singulier, sa façon d'aborder le genre fantastique fascinante. Fictions est composé de deux parties : Le sentier aux jardins qui bifurquent et Artifices. Il est intéressant de bénéficier des commentaires et notes de l'auteur sur son propre travail.

La plupart du temps, il ne crée la fiction que pour en faire le support d'une analyse ou d'une réflexion, dans lesquelles on devine l'étendue de son érudition et de sa culture... ou de son adresse dans l'exercice d'écriture auquel il se prête. Ce mélange constant de réel et de fictionnel lui permet de jouer avec des intuitions, des repères familiers de son lecteur, tout en lui proposant des idées plus étonnantes. Il maintient sans doute sciemment la confusion entre les deux. Ainsi ses nouvelles ont, au premier abord, un allure d'anecdote qui pourrait être évoquée nonchalamment au détour d'une conversation quelconque ; travestissement auquel il emploie souvent la fiction. Ce n'est que pour se lancer, l'air de rien, dans des réflexions plus profondes, parfois pointues : la perception que nous avons du monde, le temps, la mémoire, la foi, la vie, la mort, etc.

C'est brillant, adroit, parfois inaccessible. Les nouvelles qui prennent la forme d'une analyse ou d'une critique littéraire m'ont laissée au bord de la route, si tant est qu'elles aient réellement du sens. D'autres sont de simples propositions d'hypothèses sur des éléments particuliers (le rôle de Judas dans le dessin divin, ce que les sectes ont réellement en commun...). Dans l'une d'elles, il prend simplement plaisir à retracer une enquête bien ficelée. Les nouvelles ne relèvent d'ailleurs pas toutes du genre fantastique.

Je m'arrête quelque peu sur La loterie à Babylone, que je retiens pour le Défi Cortex. Celle-ci retrace, par le biais du témoignage d'un Babylonien quittant la ville, la façon dont s'y est créé ce qui est devenu un système très complexe de loterie. Parti d'un simple jeu proposé par un marchand au coin d'une rue, le concept se développe de façon insensée au gré d'un certain nombre de contingences très variées. Borges réussit à décrire une évolution aussi crédible qu'absurde, jusqu'à faire du hasard un des éléments essentiels de cette société au point que chaque citoyen s'évertue de l'inclure dans son quotidien (erreurs volontaires, mensonge...). Il dresse un parallèle entre la Compagnie, puissante et très mystérieuse corporation en charge de la loterie, et... Dieu. La nouvelle se termine sur les différentes croyances et spéculations que les Babyloniens entretiennent à son sujet. De quoi méditer un temps, le sourire aux lèvres pour ma part, sur ce que représente le système de la loterie dans ce parallèle. 
 
Il arrive à tout un chacun d'avoir une de ces réflexions absurdes, sans but précis ; lui en faisait des histoires. Une découverte à faire, donc, pour le voir se prêter à cet exercice dont il avait, semble-t-il, le secret. 
 
 

Commentaires

  1. Je me suis cassé les dents sur Borges à plusieurs reprises. Mais c'était il y a bien longtemps...

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    1. Ah c'est sûr que c'est très atypique, surtout pour ce qui est l'entrée en matière de Fictions... ^^ Ça demande une certaine matulecture (ouais j'invente des mots).

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