Le grand format a été publié par Le Bélial, en 2015.
La quatrième de couverture
« La vie intelligente sur Garance apparut cent mille ans avant
que la planète ne porte ce nom. Cette vie-là n’était pas humaine, ni
même organique. Lum’en était unique en son genre... »
Imaginez une étoile avoisinant sept dixièmes de masse solaire... Si
vous levez les yeux, il se peut que vous aperceviez son éclat
blanc-jaune sur la face antérieure du bras spiral d’Orion, à sept mille
parsecs du centre galactique. Le système de Grnc.mld1 compte six
planètes : cinq telluriques et une gazeuse. De ces six planètes, Garance
est la seule qui évolue dans la zone d’habitabilité.
Lum’en relate la colonisation de Garance, une planète comme
tant d’autres, du moins en apparence… L’histoire de ces femmes, de ces
hommes rudes lancés à la conquête d’un monde, le récit des luttes de ces
pionniers qui, au fil des générations, vont écrire la plus
exceptionnelle des aventures, la plus terrible, aussi, celle de
l’ancrage, du développement puis, inéluctable, du déclin d’une colonie
dans les confins. L’essence même de la nature humaine, en somme, la
quête d’horizons nouveaux. Quitte à rater l’essentiel…
Ma chronique
* Cette chronique est estampillée #DéfiCortex *
Lum'en est un titre que j'ai vu recommandé maintes et maintes fois par les blogueurs de l'imaginaire comme valeur sûre de la science-fiction francophone de ces dernières années. Et si un titre de qualité passe rarement inaperçu dans la blogosphère, moins nombreux sont ceux qui mettent d'accord un si large éventail de profils de lecteurs ! Main basse, donc.
Introduite dès le départ, Lum'en est décrite comme un être appartenant à une espèce au développement très avancé et ayant précédé l'humanité telle que nous la connaissons : les Dépositaires. Laurent Genefort lève donc très vite le mystère de son titre car le temps de ce protagoniste, qui s'étire sur des centaines de milliers d'années, doit permettre une mise en perspective des évènements de l'intrigue par comparaison avec celui des humains, beaucoup plus court.
Enfermée dans les profondeurs de Garance, Lum'en prend petit à petit conscience de l'arrivée, puis de la présence des premiers colons, et bien sûr du développement de la colonie grâce à l'exploitation des ressources de la planète, ce jusqu'à leur départ. Toute l'originalité et la force de la narration résident dans cet aller-retour permanent que fait l'auteur entre ce que perçoit Lum'en de l'activité humaine en surface et la réalité de cette activité du point de vue humain, à travers le regard de plusieurs protagonistes appartenant à des générations ou catégories différentes de colons. Temps extrêmement court dans la perception de la première, temps relativement long dans celle des seconds.
Ce planet opera se fait le support d'une critique de l'espèce humaine en tant que colonisatrice de nouveaux territoires, un exercice sublimé par la multiplicité des points de vue qu'expose Laurent Genefort, brisant l'anthropocentrisme que l'on rencontre habituellement dans le genre. Aux dissensions naissant et perdurant entre différents groupes humains au sein de la colonie s'ajoutent le regard de Lum'en, doté d'un grand recul, et celui des pilas, espèce la plus évoluée de la planète.
À chaque aller-retour son protagoniste, ses valeurs, ses ambitions, ses croyances, ses convictions, son milieu social. Et bien sûr, à chacun ses interactions, rencontres ou actes manqués avec le monde qu'est Garance. Les évènements décrits tiennent également compte d'un rapport plus vertical : avec les dirigeants de la colonie, son organisation politico-socio-économique et son avenir, ou encore avec les multimondiales qui en financent et l'existence.
Autrement dit, Laurent Genefort s'efforce de montrer les multiples facettes d'une même entreprise qu'est la colonisation d'une planète et le mille-feuille d'enjeux qui gravitent autour. Chaque interaction entre les uns et les autres est l'occasion de mettre en valeur un contraste, et certains sont saisissants, extrêmement touchants, porteurs d'une belle et riche réflexion sur notre place dans l'univers et la façon que nous avons de la prendre, à quel prix nous la préservons.
Dans cette description accélérée de la naissance, la vie et la mort d'une colonie humaine sur un monde éloigné - ni hostile, ni accueillant, nous explique l'auteur - s'illustrent à la fois les plus beaux et les plus vils traits de notre espèce, à échelle individuelle comme collective. Lum'en est une superbe invitation au recul, un éloge au vivre ensemble à échelle universelle - pas moins ! - bref, un appel à l'humilité : l'espèce humaine n'a peut-être pas sa place partout, et si elle veut s'en faire une, ce devrait être dans le respect de toute autre forme du vivant.
Si Laurent Genefort fait appel à quelques éléments précis de science dure - notamment en ce qui concerne la modification de l'ADN d'une partie des colons... - ce n'est que pour chatouiller de loin la hard-SF et le roman reste tout à fait accessible, au plus grand bonheur de ceux et celles qui voudront embrasser la réflexion qu'il propose.
J'ai longtemps hésité à achever ma chronique par un extrait, tant j'ai l'impression qu'il est impossible de restituer la beauté avec laquelle ce roman fait son œuvre. Je n'en ferai rien, parce que j'aurais l'impression d'en trahir la richesse en ne présentant qu'un des points de vue, même s'il porte un message général. À vous, donc, d'en dérouler le récit et d'en découvrir les chemins et décisions entremêlés.
Le pense-bête du libraire
Coup de cœur
Genre/Fréquence : roman, one-shot en science-fiction.
Autres titres notables de cet auteur :
- chez J'ai lu et Denoel : le cycle d'Omale, 2001-2014 (Omale I et II disponibles chez Folio-SF) ;
- chez Critic : la trilogie Spire, 2017-2018 (complète chez Folio-SF, 2019).
Le pitch en une phrase : Lum'en, enfermée dans les profondeurs de la planète Garance, devient le témoin lointain de la naissance, la vie puis la mort d'une colonie humaine, et de la façon dont elle affecte irrémédiablement le devenir de son espèce native.
Ce qui peut piquer la curiosité du client : le fait que ce soit un planet opera qui s'affranchit partiellement de l'anthropocentrisme habituel dans le genre, le fait qu'il dépeint sans manichéisme la brutalité naturelle de l'espèce humaine dans sa soif de conquête.
Les atouts à mettre en avant : l'intrigue est intéressante, le récit dynamique, captivant. Certains passages sont très touchants, plein d'humanité, d'autres plus durs. La narration et la réflexion qu'elle porte sont enrichies par les contrastes, les nuances et les différents niveaux de perception qu'offre l'auteur.
Les éventuels freins à l'intérêt du client : du fait des allers-retours, l'intrigue est relativement hachée, et si les périodes se suivent chronologiquement avec un fil rouge, ces bonds multiples entre périodes et personnages pourrait peut-être suffisamment casser la trame pour perdre des lecteurs.
À qui je conseillerais : aux amateurs de SF réflexive, de planet opera qui se départissent au moins partiellement des recettes rebattues. Peut être rapproché de : La main gauche de la nuit, d'Ursula Le Guin, indéniablement, qui portait lui aussi cette réflexion sur l'altérité, mais toujours anthropocentrée. Laurent Genefort va un cran plus loin en proposant les points de vue d'autres espèces. Moins poussée sur les aspects culturels, le contraste est plus fort, la mise en perspective plus poussée.
Le chef-d'oeuvre de Laurent Genefort - bon, d'accord, je n'ai pas lu 5% de sa production, mais quand même - un livre génial sur le fond et la forme.
RépondreSupprimerTotalement d'accord sur le fait que c'est un chef d'oeuvre. :)
SupprimerEt il me rend très curieuse au sujet de Spire, qui m'attend une étagère en-dessous...